La pleine lune des fraises.
- cecileboffy
- 5 juin 2023
- 2 min de lecture

crédit photo: Chère tête blonde!
Ce sera une journée régit par l’indolence de l’esprit, la lenteur du corps. Une journée assujettie à la paresse langoureuse d’être. Cette fameuse parenthèse périodique, anémiante qui fait couler au moins autant d’encre sur les feuilles blanches d’un livre vierge que de sang le long des jambes des femmes. Ces instants qui suspendent l’existence de celle qui a le pouvoir du cycle des choses.
J’ai pris l’habitude ces derniers mois de caler le premier jour du reste de mes lunaison sur la pleine lune. Enfin quand je dis « je » c’est extrêmement prétentieux. Car en fait je n’y suis pour rien. Il n’y a rien de volontaire, de magique, d’ésotérique dans cette drôle de manifestation calendaire. Je n’ai aucun pouvoir dans l’apparition de cette synchronisité panséléne. Non elle est la part libre, celle que rien ni personne ne pourra gouverner, et qui s’accorde avec harmonie aux saisons, aux lunes pleines, aux solstices, équinoxes... Elle est celle qui fait de moi la part yin dans la matière. Le réceptacle de vie. Peu importe qu’un petit d’homme y germe ou non. Cela ne change rien, l’appartenance au clan des matrices est aussi sauvage et incontrôlable que le torrent d’une rivière, que l’éruption d’un volcan, l’éclosion d’une fleur.
J’aime beaucoup la nature de ces journées. Enfin ce n’est pas tout à fait vrai... J’ai très longtemps détesté ces instants. Car avant d’éprouver le plaisir de me vautrer dans ce qu’elle m’invite à visiter, j’ai lutté de toute mes forces.
J’ai éprouvé d’effroyables colères de me voir ainsi aux prises d’humeurs si instables, si changeantes. D’être irritables, douloureuse, et sale... J’ai détesté ce corps jusqu’à faire taire ces menstruations. Je l’ai souvent martyrisé cette part féminine. J’aurais voulu être un garçon ! Pour une fois dans ma vie j’aurais fait plaisir à mon père.
Le terreau de cette colère était probablement dû à mon incapacité de sortir de la honte, du musèlement que cette société impose à l’expression du corps des femmes. Moi qui avais tellement à cœur d’être lisse j’appartenais au clan chaotique et hurlant des louves.
Quelle déveine...
Et puis j’ai appris. Non pas à être une femme, juste à accepter mon appartenance. J’ai appris à reconnaitre en moi la patience, la lenteur, la minutie, la nuit, la lune, la terre... Et surtout j’ai appris que rien ne fonctionne très loin de son contraire.
Alors aujourd’hui sera une de ces journées qui ne dissimilent rien de ce que je suis, rien de ce que je ne suis pas. Une de ces journées ou je vais laisser s’écouler de mon corps avec nonchalance toutes les parts qui demandent à rejoindre la terre.
Imaginer des instants ou tout, absolument tout se mêle, s’entrecroise ; L’amour, la joie, la fureur, la tristesse, la jouissance, la douleur...
Une journée aussi claire qu’une nuit de pleine lune, ou la femme psalmodie sa nature sauvage comme une offrande à l’astre opalescent.
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